Lune 117: Le déluge

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Ils sont entré dans le cycle de Nirrti depuis quelques heures. Dans la tente du couple, des habits sont balancés en vrac, y compris le voile noir qui aurait du être jeté en offrande s'ils avaient suivi les rites à la lettre. Le masque de papier mâché repose sur le sol, les draps et couvertures sont complètements défaits et les jeunes mariés dorment comme des pierres: l'amour tantrique, quoi qu'on en dise, est toujours épuisant et le chemin qui ramène les amants du cosmos vers la réalité est toujours plus long qu'il n'y parait. Après ça, on ferait bien le tour du cadran, bien au fond de son lit.

Mais cette nuit, ou peut-être cette aube, Ganga aboie de plus en plus et gratte à la tente.

Amiya ouvre difficilement les yeux, maudit la bête. Constate au bruit qu'il pleut. Un orage d'été, ça arrive, rien d'étonnant à ça. Elle tente un "shhhht", qui ne marche pas. Alors elle se lève, ne prend même pas la peine de s'habiller, trouve le sol sous la bâche un peu plus mou que la veille, ouvre les pans de toile qui la séparent de l'extérieur.

Le chien se précipite et va se planquer au fond de l'unique pièce, continuant ses couinements plaintifs.

L'indienne jette un coup d'oeil à l'extérieur. On ne voit pas grand chose, la pluie est trop dense. Heureusement qu'ils se sont arrêté sur l'île, finalement, la mer a l'air très agitée là-bas...Les vagues ne sont-elles pas un peu grosses? L'ombre d'un doute passe sur son visage. Les embarcations. Elles sont remonté bien haut sur la plage mais...

La femme rouge s'habille en vitesse, enfile ses sous-vêtements, son corsage et sa jupe mais laisse tomber le voile. Pas le temps de plier son sari.

Elle se précipite à l'extérieur. Il fait encore sombre. Le sable est imbibé et ses traces de pas ressemblent plus à des flaques. Pas la peine de prendre une lampe, elle s'éteindrait tout de suite et de toute façon, elle va avoir les mains prises quand...elle se fige quand elle traverse le camp. Il n'y avait pas des coussins, là? Cette malle n'a-t-elle pas été fermée la veille? Elle s'approche. C'est la malle qui contient tous les vivres, elle est remplie d'eau au point qu'elle déborde de tous les côtés. La plupart de leurs affaires sont éparpillées un peu partout. Plus inquiétant, de nouveaux ruisseaux qui n'existaient pas la veille dévalent les montagnes et courent se jeter dans l'eau, embarquant tout sur leur passage. Depuis combien de temps pleut-il? Pour combien de temps encore? Le camp est planté pile au milieu des hauteurs, dans une vallée qui ferait un canyon parfait.

Elle n'y arrivera pas seule cette fois.

"OMS! TOUT LE MONDE DEBOUT!"

Messages : 491 Date d'inscription : 27/01/2016

Ajeya sort de la tente les yeux encore embrumés de sommeil.

Elle patauge dans l'espèce d'éponge qu'est devenu le sol sur lequel ils se sont installés.

Arrivant au niveau de son aînée. Elle la regarde :

C'est la mousson ? Nous sommes rentrés ?

Messages : 685 Date d'inscription : 29/01/2016

La radio de Amiya crépite. Des bribes de mots réussissent à forcer le barrages des intempéries.

"... Am... Uie.. Krrsshhh... Ger.... lle-moi... SsshrrrKrrr... "

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

La mousson? Oui, c'est vrai que ça y ressemble. Amiya est déjà trempée et la brusque descente de température la fait un peu grelotter.

"Je ne crois pas que nous soyons rentrés, mais si tu as raison, on va devoir affronter ça plusieurs jours. Il faut qu'on trouve une grotte, si on reste ici, les tentes risquent de ne pas tenir. Tu peux y aller seule? Je vais tout ramasser pendant ce temps. Dès que tu as trouvé, on déménage tout. Et on prie pour que vienne une éclaircie."

La radio, elle, est restée dans la tente avec Shankar...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Encore dans le lit, Shankar embrumé décroche la radio de son épouse.

Allô ?
Hai, Lalita ? C'était toi ?

Un vague doute. Il se lève, gratifie Ganga d'une flatterie rassurante. Ouvrant la porte, il jette un regard interrogatif vers son épouse à l'extérieur.

Je... Je crois que Lalita a appelé... Peut être a t'elle un probl...

Il s'arrête. La tente n'est pas stable du tout, déjà le sol devenu boueux menace de glisser.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

La silhouette floue se retourne, crie pour couvrir le bruit de la pluie.

"NOUS avons un problème! On la rappellera! dépêche toi de nous aider!"

Elle se tourne à nouveau vers Ajeya, lui tapote l'épaule et la pousse doucement vers les montagnes.

"On compte sur toi. Trouve nous vite un abri! Coure!"

Et elle se précipite du côté des vivres imbibés d'eau, les épices, la viande, les restes qui flottent et se mélangent. Elle tente de vider tout ça, penche la caisse en laissant le couvercle entrouvert en guise de passoire. Mais ses mains glissent, elle lâche et fait un bond en arrière.

"Tatti..."

Maintenant, les vivres sont répandus sur le sable détrempé. Elle ramasse à la hâte ce qu'elle peut, ce qui se récupère. Légumes, fruits, racines. Et rien d'autre...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Pendant que "soni" gère la malle qui dégueule, Shankar retourne en vitesse à l'intérieur. Tant que la tente tient, autant en profiter pour empaqueter au sec. De toutes façons, il faudra vider la tente pour la plier. Et si le terrain glisse, tout partira d'un bloc.

En premier, les vêtements pour l'hiver. Un vers le sud, un vers l'ouest, un vers le nord, un vers l'est, avec les manches nouées le ballot aura du mal à se défaire.

Messages : 491 Date d'inscription : 27/01/2016

Ajeya part en courant vers les falaises qui bordent la plage mais très vite sa course s'englue dans un sable de plus en plus humide et couvert d'eau.
Bientôt ses pas se font lourds, très lourds et il est peut-être déjà trop tard quand elle comprend que ce sable gorgé d'eau n'est plus la paisible plage qu'il était mais bien plus un funeste sable mouvant.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Pensant qu'Ajeya explore toujours, Amiya continue son travail. Elle avise la tente désertée par l'enfant, y entrepose toutes les affaires qu'elle trouve. Il y a déjà une flaque qui grandit sur un coin de la bâche. Il va falloir déménager tout ça très vite. Pourvu que la petite revienne vite...

Quelques cageots, boites, caisses, affaires de toute sorte plus tard, la femme rouge est exténuée. Les autres sont sortis de leur trou et la tente de Janum et Isran est déjà repliée. Il ne reste qu'à déménager le reste. Et à remonter les embarcations plus haut, pour les attacher à un arbre solide, pour peu qu'il y en ait un. Ajeya le leur dira. D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle fait? ça fait un moment qu'elle est partie et qu'on a plus de nouvelle...presque une demi-heure non?

L'indienne fronce les sourcils, hésite. Puis part dans la direction que la gamine a prit plus tôt. Ce que le sable est mou ici...

"Ajeya? Ajeya?"

Messages : 491 Date d'inscription : 27/01/2016

Enfoncée jusqu'au haut du torse, Ajeya lève les bras autant qu'elle le peut. Elle a cessé de se débattre pour éviter de s'enfoncer davantage.
Elle scrute un peu partout pour voir comment elle pourrait se sortir de se piège quand elle entend Amiya. Alors, elle crie autant qu'elle le peut, le torse déjà bien comprimé, au risque de s'enfoncer plus.

Ici ! À l'aide !

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Difficilement, Amiya suit la voix. Jusqu'à apercevoir la moitié de petite fille qui dépasse du sol. Elle comprend vite, d'autant qu'elle s'enfonce aussi...

"Ne bouge pas, je vais chercher une corde!"

Et la voilà qui fait demi-tour, allant au plus vite sans pouvoir courir. Elle se précipite vers le camp, vers sa tente où Shankar continue de s'affairer. Elle passe la tête à l'intérieur, lui crie sans le regarder.

"Elle s'est fait avoir par le sable!"

Et elle repart dans l'autre tente, éventre leur affaires réunies avec soin jusqu'à trouver plusieurs mètre de vieille corde enroulée. Là, elle repart, toujours aussi vite, tombant en chemin, se relevant aussitôt.

"Ajeya!"

Elle attrape une pierre, fait vite fait un noeud pour pouvoir viser, balance la pierre. La pluie la fait retomber au sol. Plus qu'à tirer, recommencer, chaque fois plus fort, jusqu'à ce qu'elle arrive à portée de main.

"Accroche la autour de toi!"

Messages : 491 Date d'inscription : 27/01/2016

Ajeya tend le bras autant qu'elle le peut pour saisir la corde.

Ces mouvements l'engluent davantage et le sable baigne désormais ses aisselles.

Les larmes qui coulent le long de ses joues se mêlent au déluge.

C'est bon !

Au loin, les nuages commencent à se teinter d'une étrange lueur verdâtre encore plus menaçante.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Elle tire de toute ses forces, penchant dangereusement en arrière, sans s'inquiéter de tomber. Et si ça ne suffit pas, elle tombera franchement sur le cul. Tous les moyens sont bons après tout!

Messages : 491 Date d'inscription : 27/01/2016

Ajeya commence à s'extirper petit-à-petit de son piège tandis que le déluge se prolonge.

La force d'Amiya suffira-t-elle à la tirer de là ?

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Shankar n'a pas fini de plier bagage pour autant, mais déjà il chemine à son tour vers la gamine. Plus prudemment qu'Amiya car si il s'enlise, il sera impossible de le tirer de là.
Alors en attendant, il beugle pour couvrir le barouf de la tempête :

Ajeya ! Ne bouge pas ! Plus tu bougeras plus tu t'enfonceras !
Calme ton souffle et reste calme ! C'est le froid qui te tuera, et nous serons plus rapides !!

Et si pendant ce temps, le vent et le sol embarque le reste, tant pis, ils mourront un autre jour !

Le sol. Le sol est toujours plus traitre qu'aucun autre élément. Avant un combat, c'est lui qu'il faut assurer en premier.
Grogne t'il à son épouse en arrivant à son niveau.
Puis, il tire par a coups, sans doute douloureux pour la gosse, mais il faut bien la déventouser.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

"Oui oui"

Elle répond vaguement, concentrée sur sa tâche et trop essouflée pour faire une vraie phrase. Seule, elle n'aurait sans doute pas réussi à extirper l'enfant, mais à deux, tout est possible. Ajeya sort petit à petit de son trou.

"Tu es...comme une...fleur...tu...pousses..."

Si elle n'était pas aussi rouge, elle serait surement morte de rire...

Messages : 491 Date d'inscription : 27/01/2016

Le bruit de succion qui accompagne l'extraction de l'enfant renforce le lugubre de la situation. On dirait qu'un démon vomit à contre coeur sa proie.

Quand ses jambes commencent enfin à se dégager, elle attrape la corde avec rage comme si elle montait à la corde.

Mmmmh ... Errr ... ffff ....

Ses efforts vont bien finir par payer.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

En rythme, ils continuent de tirer jusqu'à ce qu'Ajeya soit complètement dégagée. A peine a-t-elle laché la corde qu'Amiya se prépcipite contre l'enfant pour la serrer contre elle.

"Cesse de me faire des frayeurs pareilles..."

Et, avisant les nuages à l'horizon.

"Allons chercher toutes les affaires, on doit s'abriter et vite. Partons longer la montagne, on trouvera bien une grotte..."

Un rapide baiser sur son front et elle se lève, prend la main de la gamine et la ramène vers le camp partiellement démonté. Là où Isran et Janum ont, elle l'espère, finit de tout remballer et son près à partir...

Messages : 491 Date d'inscription : 27/01/2016

Ajeya suit, presque épuisée, ce monde est définitivement un enfer pour chaque pas que l'on y pose.

Elle scrute le ciel, c'est un infernal balais de lueurs verdâtres qui strient le ciel au dessus d'eux. Qui sait ce qui va leur tomber dessus ?

Cela lui fait fortement penser à la pluie gluante et noire qui s'est abattue quand le monde a cessé.

Alors, elle accentue ses efforts, s'accroche et court en même temps qu'Ajeya vers le camp.

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Ganga !! Aaja re !!

Un sifflement à faire vriller les tympans fait venir le chien complètement fou. Shankar lui glisse la corde dans la bouche et lui désigne les bateaux. Cela lui fera ça de moins à trimballer, et il n'y a pas de petites contributions. Pendant ce temps, Shankar court à l'opposé. Il faudra finir d'empaqueter, et garder un peu de toile pour éviter que les navires se remplissent de pluie.

Ajeya, récupère le chien et continue de nous chercher un abri ! Quand ça sera bon on commencera à plier le camp !

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

De son côté, Amiya attrape un travois, le charge de toutes les caisses encore dehors, plus quelques une pas trop lourdes, centralisant les vivres et les affaires importantes. Elle encourage Ajeya à en faire de même, bien qu'elle prenne la majorité des affaires avec elle pour ne pas l'épuiser.

"Je viens avec toi. Plus d'accident cette fois-ci!'

Et quand elles sont prêtes à partir, elle montre la direction opposée aux sables mouvants, pour qu'elles tentent leur chance ailleurs.

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