L82: Rééducation post-Kali-ptique

Il grogne. Ne comprend toujours pas. Peut être parce qu'elle ne comprend pas son point de vue.
Alors il approche et la soulève de terre. Sans le moindre effort.

Tu vois soni. C'est ça que je travaille. Je me fiche de l'aspect que ça me donne. Je veux pouvoir être fort. Si je voulais faire de la gonflette, je ferai d'autres exercices. Je n'aurais pas cet aspect.

Il la repose avec douceur et précision.

Demande-moi d'être laid. Mais pas d'être faible. Surtout quand je suis seul avec les cobras d'Ajeya en mesure de défendre le groupe.

La main sur le ventre, elle lui lance un regard noir, soulève son pull et vérifie son bandage. Pas de sang, tout va bien. N'empêche qu'elle lui en veut, c'est l'intention qui compte, il aurait pu lui faire mal.

"La force, ce n'est pas qu'une question de physique."

Lui semble sûr de son coup et ne s'inquiète pas de la blessure.

Non, ce n'est pas que ça. Mais que fais-tu, sans, quand l'autre en face peut simplement t'écraser ?

Elle lève les sourcils.

"Je fais en sortes qu'il n'ait pas envie de le faire. Pourquoi penses-tu de manière si violente? Tu n'étais pas comme ça avant. Tu as peur de quoi? On t'a menacé?"

Il secoue la tête.

J'ai toujours été ainsi. Je préfère dissuader que me battre. Moi aussi, je fais en sorte qu'ils ne veuillent pas se battre.

Je n'ai jamais été ni plus ni moins violent. Je suis en accord avec Shivatom, et ce dont nous avons déjà discuté sur le don de la Mort.

Elle lève les yeux aux ciel.

"ça suffit. Fais ce que tu veux, interprète ce que tu veux de tes visions, de tes rêves, de tes mots vagues. Moi, j'aimerais juste que tu arrêtes quelques jours, le temps de m'aider. Mais je dessine la lune sur mes mains, cesser ton entrainement pour t'occuper de ta femme, c'est trop te demander on dirait. Ne me dis plus jamais que tu veux que je me sente bien ou que j'ai confiance en moi. C'est bien trop secondaire."

Elle tourne les talons et se dirige en boitant vers leur tente, en écarte les pans avec difficulté, peine à courber le dos pour y entrer. Et referme aussitôt.

Il est plus rapide et l'arrête facilement dans son geste.

Il suffit. Je peux m'occuper de toi autant que tu le veux sans cesser les entrainements. Ton choix est dangereux et idiot. Si il ne l'est pas, tu expliqueras au groupe, toi même, que quelques jours durant je ne chercherai pas à les défendre, à m'entrainer pour leur apprendre ou a devenir meilleur guerrier.

Alors la, je cesserai, tu auras eu raison.

Elle n'insiste pas pour le mettre dehors, s'éloigne de l'entrée pour s'assoir sur leur couche et entreprend de se déshabiller.

"Tu veux que je leur explique que je ne suis pas en état d'assumer la même charge de travail que d'habitude et que tu prendras le relais? Tu crois qu'il ne s'en sont pas rendu compte eux-même? Et puis, avec le temps qu'il fait, tu ferais mieux d'aider Ajeya à la pêche ou à la chasse. Ou tu n'auras plus rien à cuisiner."

Son jean retiré avec précaution, elle défait le bandage de sa cuisse, examine la vilaine cicatrice pleine de fil, rouge et gonflée. Une petite pression des doigts pour vérifier qu'elle ne suppure pas et elle attrape une bouteille d'eau, en vide sur un bandage déjà préparé, nettoie.

"Mon sac, s'il te plait."

Tout semble s'éclairer. Mais pris dans sa posture de fierté, il semble refuser la capitulation, même si une brève éclaircie sur son visage le trahit.

Je donnerai tout mon temps de méditation aux tâches ménagères, prenant ta part et la distribuant à tous. Et tout mon temps libre sera pour toi, et pour nous.

Il réprime un frisson.

Quand nous serons au cœur de l'hiver, je m'occuperai du bois. Je reprendrai les entrainements. Et je cesserai alors de chasser et de cueillir.

Evidement, quand on parle de bouffe...

"Si tu veux."

Puisqu'il ne donne pas son sac, elle se penche pour le tirer à elle. Elle en tire la fiole d'huile de Karanja, quasiment vide, en imprègne un nouveau bandage et se refait un pansement. Elle grommelle pour elle-même:

"Il n'y a pas de graine ici...fichu pays...froid avec ça..."

Et puis elle passe au ventre, même topo, défaire le pansement, nettoyer, désinfecter, rebander...

Il se pose au devant.

Es-tu capable de te mettre sur le ventre ?

Elle termine de nouer son pansement avant de répondre.

"Oui, je pense. Je ne sais pas si c'est une bonne idée par contre. Pourquoi?"

Elle a l'air méfiante.

Il sourit, doucereux.

Parce que tu sembles trop tendu.

Et il se frotte les mains.

Il détache avec douceur le voile, puis masse, sans medium, la peau de sa bien aimée. Il la caresse plus qu'il ne l'écrase, jouant avec la douceur et les sensations subtiles, pour changer du carnage de l'autre soir.

Elle ne se détend pas pour autant, mais lui glisse quand même:

"Dans ma valise, prend un de mes voiles en soie. Tu ne rentreras pas dans mes gants, mais c'est ce qui s'en rapprochera le plus. Pose le sur mon dos avant de masser...c'est une technique d'ayurveda..."

Shankar s'exécute, curieux, et maladroit. Une première, certainement. Peut être renouvelée prochainement ?