L54 - Rite funéraire pour défunt absent

Amiya éclate de rire, un rire doux qui fait tinter ses bijoux. Elle s'approche de Shankar, lui prend la main.

"Tu n'y es pas. Nous n'avions pas de corps pour faire une belle cérémonie. Alors nous avons fabriqué une poupée qui représente le défunt mari de Lalita. Pour qu'il ait une belle mort et que son âme, où qu'elle puisse être, soit guidée vers une meilleure réincarnation. Pour que ma soeur puisse faire son deuil et avancer, car sinon, elle serait restée indécise sur la voix qu'elle doit suivre."

Elle lui sourit, espérant qu'il soit rassuré...

Nous ? Il regarde incrédule la radji rouge, puis secoue brièvement la tete en direction du Guru. Pas son idée, lui aussi mis devant le fait accompli. Et encore il ne connait qu'une partie de l'histoire du pantin. Il regarde vers les nuages, priant pour qu'ils arrivent au plus vite

"J'avais bien dit. Il fallait le confier au fleuve.
Mais faut croire que c'est le fleuve qui viendra à lui"

Il tend les bras pour sentir les première gouttes, ses mains appelles ses compagnons à reprendre la communion

"Mère Ganga, sueur des pieds de Vishnou, toi qui a quitté les dieux pour nous abreuver, nous t'implorons de venir purifier notre ami Tamonash."

Cette fois, le Guru fronce des sourcils. Et c'est vers Lalita qu'il pointe le regard.

Mariée ?...

Glisse t'il simplement, indifférent au remue ménage ambiant.

"Oui, mariée à Tamonash. Il y a plus de dix ans maintenant."

Elle se rend compte que le sujet est tellement tabou, qu'elle n'arrive même pas à en parler de manière compréhensible. A force de garder ce lourd secret en elle, elle a oublié les chronologies, les causes, et les conséquences.

"Tenebro pense que mon mari est mort... "

Shankar ferme les yeux.
Le chaos règne, ainsi que la division. Le peuple, le tableau, attend un souffle. Un souffle neuf, puisque son arrivée a brisé l'ancien. Alors il reprend.

Sadhu, cet homme était celui de Lalita. Poursuivons ensemble l'honneur qui lui est du. Accompagnons-le dans nos prières. Les flammes autant que le fleuve se le disputent, voyons qui l'emportera.

Mais gardons-nous de nous quereller ou de nous agiter en pareil instant, sans quoi Rudra, la foudre des nuages nous rappellera sa souveraineté par la force, si seul son cri peut nous réunir.

Sadhu, toi qui a l'oreille des Devas, recommande cet homme. Dis le bien que tu penses de lui.

Le Sadhu semble interloqué, il finit par interrompre son silence, les bras toujours croisés.

"Ganesh n'est pas sourd. Il a déja entendu la prière de sa petite souris. Tout ce que je pourrais ajouter ne sonnerait que tiède et faux après sa recommandation.
Nos prières ne sont que complainte et vanité, une interruption dans le quotidien des Dieux loin de nos misérables pensées. Tous tournés à huiler les rouages du cosmos et du cycle des réincarnations. Nous répéter serait une plaisanterie qui a trop duré. Et ils verraient. La supercherie".

Mukunda sourit à l'orage qui s'annonce. Et pas à une contradiction près, il joint ses mains.

"Accours, brillant Indra. Hate toi sur cette montage comme les vaches courent vers leurs pâturages, et déverse ta colère"

Amiya soupire. Mukunda fait son Mukunda, bonjour l'esprit d'équipe. Mais le mot supercherie la fait tiquer et elle n'a pas envie que le guru se pose trop de question.

"Sri Shankar...peut-être devrions-nous laisser Lalita se recueillir? Allons nous abriter, tant qu'il est temps."

Elle lui sourit, le regard brillant. Être coincés, à deux, dans une tente ou sous un rocher sous la pluie...c'est tellement romantique!

Et puis ce n'est pas Lalita qui risque de retenir le couple. Elle imagine déjà ce qui pourrait se passer si elle se retrouvait seule avec Mukunda... Hm... Finalement, elle évite d'imaginer, histoire de rester concentrée. Même si son regard s'égare un instant sur les mains jointes du Sorcier.

"C'est déjà très généreux à vous tous d'être venus... Je resterai ici jusqu'à la fin du combat."

Elle attend tout de même un peu avant de pouvoir se rasseoir près du défunt.

Le regard du Guru s'embrase à l'appel de son épouse. Il a lu dans ses pensées, même si ce n'était pas d'un romantisme apaisé.

Souriant, il jette un dernier regard intrigué à Lalita avant de se laisser embarquer.