L48: Sortie, Carry et rituel du soleil!

Depuis que Carry s'était réveillée, elle n'avait vu que noirceur, souillure, et décadence. Les tunnels dans lesquels elle s'était retrouvée ne faisaient que marquer un peu plus l'horreur du nouveau monde dans lequel les survivants de l'apocalypse allaient devoir survivre.

Survivre...

Les premiers jours furent difficiles, plus elle déambulait, seule, plus la réalité se dévoilait à elle, les rats côtoyaient la crasse, parfois, une silhouette à demi-morte gisait à même le sol laissant échapper des râles gutturaux à l'approche de la survivante.
Plus les jours passaient et plus ses réserves diminuaient, la blonde s'imaginait déjà finir ses jours à l'image des espèces de zombies qui peuplaient ces longs couloirs, mais...

Non !

OUI !

"Oh Ouuuuuuiiiiiiiii !!!!" dit-elle dans un gloussement presque jouissif lorsqu'elle vit enfin la lumière au bout du tunnel.

Cette lumière salvatrice lui fit presque oublier l'état de ses réserves...
GRRRrRrRRrRrrrraaaoooouuuuuuuuuuuuu... mais son ventre ne lui laissa pas de répit très longtemps.
Avant de sortir, il lui fallait trouver à manger. Ainsi elle fit la connaissance du premier être vivant depuis son réveil dans ce monde dévasté. Un type glauque, à l'image de l'endroit, dégueulasse et pas très amical. Elle avait bien essayé de mendier de quoi tenir une lune de plus, mais ce ne fut pas sans faire travailler ses atouts féminins. Ouais, finalement, la fin du monde ça ne fait pas changer les cons...


Puis la lumière lui apparu à nouveau. Tout d'abord elle la sentir, drôle non ? Oui elle la sentit arrivée de loin, hmmmm quel plaisir de sentir ces saveurs du soleil et de l'orient. Et quelle joie que de voir débarquer toute cette troupe colorée venue de nulle part !!!
Carry se sentir presque revivre à l'image du groupe qui passait non loin d'elle.
Alors oui, lorsque celui qui semblait les diriger l'interpella, elle ne se fit pas prier pour entamer la conversation.
Elle abandonna l'idiot avec qui elle avait osé envisagé faire un bout de route pour poursuivre son chemin.

Shankar était un être tout à fait charmant avec qui Carry sentait qu'elle allait apprécier faire un bout de chemin. Bon ok, elle ne comprenait pas tout aux histoires qu'il lui balançait, mais quelques mots avaient fait mouche à son oreille... Chanvre ?! Non mais allô quoi, du Chanvre ?!!! Rien que cela lui mit en tête de partir à la traque du fameux précieux à travers tout ce désert qui s'ouvrait devant eux. Qu'importe leurs rituels et leurs manies, tant qu'il y a de la beuh de la vraie, Carry serait satisfaite...

Peu après elle fit connaissance d'Amiya, la promise. Elle était magnifique, Carry ne cessait de la dévorer des yeux, un vrai modèle des délices de l'orient, et l'entendre parler était tout aussi ravissant. Elles commencèrent à faire connaissance...

Mukunda ?! C'est quoi ça ? Ca se fume ou... ??!! Elle rigole.

Non mais sérieusement, j'espère que tu n'y crois pas quand même ?! Je veux dire, si la fin du monde c'est pas pour rien... Enfin je sais pas, moi je me dis que ça veut sûrement dire que tout ce qu'on faisait ou ce qu'on croyait avant c'était du bullshit quoi...

Mais c'est quoi le problème avec vos Mâles en fait ? La nuit ils font des trucs bizarres ?!...

Hahaha !

Spontanément, elle s'était elle-aussi mise à éclater de rire en écoutant la belle Amiya. De tout ce qu'elle avait pu imaginé sur la personnalité de sa nouvelle amie, jamais cet humour sur la description de Mukunda ne lui serait venu à l'esprit. Elle n'avait pas tardé à repérer l'homme en question, et ce n'est qu'une fois avoir posé les yeux sur lui qu'elle éclata encore plus fort de rire.

Tu sais après tout, il parait que plus ça a fermenté, plus ça fait d'effet !

Puis elle écouta à nouveau l'indienne avec attention, alternant visage étonné, avec visage attentif jusqu'à devenir une petite confidente complice lorsqu'Amiya lui dévoila son secret. Elle fut surprise et touchée de cette révélation précoce sur sa petite vie au sein du groupe...

Ne t'inquiète pas ma belle, je sais très bien garder les secrets, surtout ceux de mes copines, dit-elle en esquissant un clin d’œil souligné par un petit rictus en coin.

Mais sinon, oui Shiva j'ai déjà entendu ce nom, mais je croyais que c'était un Dieu féminin... Non c'est pas ça ?! Comment elle s'appelle celle avec tous ses bras là alors ?
Oulala, je dois vraiment avoir l'air conne avec mes questions à la con, non ?!

Surtout que je ne sais pas si tu as écouté ce qui se raconte à la radio, mais il y a pas mal de monde qui pensent que leurs dieux respectifs ont tout fait pêter pour leur permettre de tout rebattir à leur façon...

J'espère que vous n'êtes pas au même niveau que tous ces tarés rassure-moi...

Puis elle se fit à nouveau plus coquine dans le regard et son expression.

Mais dis-moi, hihi, il y en a d'autres des petites histoires comme ça dans le groupe ?...

Ah... Parvati...

Carry joua avec ses lèvres l'air pensive, après tout elle n'avait jamais entendu parlé de ce nom auparavant.

Connais pas en fait, désolée.

Elle sourit alors en réponse à celui d'Amiya, l'écoutant toujours aussi attentivement.

Hein..

L'espace d'une seconde elle se demanda si elle avait bien entendu ce qu'elle venait de lui dire. Son visage perdit aussitôt son sourire, son regard fronça tandis que sa tête fit un mouvement de recule.

Chiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiippp, un long chip comme ceux que balancent les femmes venues du soleil lorsque quelque chose les surprend...

Alors là, je t'explique tout de suite miss. Si t'as cru que c'était mon genre de me taper les mecs de mes copines, je crois que tu m'as mal comprise là.
C'est pas parce que je porte des dread et des piercings que je tape dans tout ce qui bouge, j'ai un minimum de respect quand même, et j'ai pas besoin de croire en Allah, Krishna, Shiva ou Jehovah pour avoir des principes si tu vois ce que je veux dire...

En fait, dans les paroles de d'Amiya, ce n'était pas tant la petite menace et remise en place qui l'avait réellement fait chier, c'était surtout que la belle Amiya puisse s'imaginer une seule seconde que Carry pourrait taper dans ce qui ne lui appartenait pas... Après tout, sur ce point elles étaient pareilles, Carry aussi était du genre à faire souffrir la pétasse qui se taperait son mec avant de l'envoyer dormir dans les prés.

En plus, il est pas assez bronzé pour moi...

A propos de bronzage, un Guru hilare danse au soleil dans le sable glacé, aveugle, les yeux noyés de larmes, un mukunda pris au piège dans son bras avant qu'il ne tombe, déséquilibré, pour venir ramper vers les femmes à l'ombre.

Saluez l'astre sombre, mon clan ! Mes amis ! Nous arrivons à la face du monde qui connaitra bientôt une chance de rompre ses souffrances. Jour béni !

Impossible pour lui d'ouvrir les yeux. D'ailleurs, il cherche Amiya a tâtons mais n'y est vraiment pas.

Amiya est toujours en pleine discussion entre femme. Toujours souriante, comme si elle parlait de la pluie et du beau temps, elle répond à Carry:

"C'est parfait, nous allons bien nous entendre ma belle. Allez, le soleil nous a trop manqué, sortons!"


Elle lance à la femme qui est resté un peu en retrait:

"Lalita, vient! La lumière est devant nous!"


Puis elle se tourne, rit un peu devant les gestes désordonnés de son guru, grimpe à l'échelle pour s'en approcher et prendre ses mains.

"Je suis là...pousse toi que je puisse sortir!"

Déjà, le jour lui brûle les yeux, alors qu'elle n'en voit qu'un bout, mais elle tient à les garder ouverts...

Carry souria à nouveau en l'égard d'Amiya, finalement elle allait bien apprécier ce bout de femme, elles semblaient toutes deux partager certains traits de caractères, sûres d'elles et de ce qu'elles veulent. Rien ne vaut la compagnie de gens qui disent ce qu'ils ont en tête.

Elle sourit à nouveau en regardant les ombres formées par le Guru et sa Promise se chahutant amoureusement face au soleil; dont les rayons tirèrent même une petite larme au coin des yeux de la blondinette. Non non, ce n'est pas l'émotion du moment mais vraiment la puissante lumière dont elle ne s'attendait pas. Juré !

Elle se tourna alors en direction de la troisième jeune femme restée silencieuse dont elle prit instinctivement la main.

Allez.... Lalita, yallah, ravie de faire ta connaissance... Profite ! Profite de la lumière et de la vie !

Quel sari inconfortable pour monter les échelles métalliques ! Misère, surtout quand on a le soleil en plein dans les yeux... Pourquoi ne sont-ils pas sortis en pleine nuit ?

Ah si c'était à refaire... Mais ils ne le referont pas, c'est certain.

*******

Lalita avait cherché en vain le petit homme lézard, avant de partir, ce qui l'avait mise en retard. Contrariée de partir sans lui, elle n'avait pas décroché un mot sur le chemin malgré la présence des nouveaux arrivants, et surtout d'une nouvelle femme parmi eux.

Elle avait pourtant écouté d'une oreille distraite les conversations des uns et des autres avec la jeune femme, mais sa tristesse avait du mal à s'écouler suffisamment pour offrir de la bienveillance pure à Carry.


C'est elle du coup qui débute par un encouragement si touchant que Lalita ne peut plus faire semblant de n'être qu'un fantôme, aussi peu convaincante que peut être sa prestation d'ailleurs.

"Merci Carry. Merci... Je tiens ta main... Je ne te lâcherai pas." affirme-t-elle avec douceur malgré l'encombrement de ses voiles, de ses bijoux et de ses sacs...

Le sadhu suit à bonne distance. A la différence de l'enfant, il a déja vu quelques étrangers, des touristes en short à Varanasi, se prenant en photo avec les indigènes ou aller payer pour déposer dans la Ganga des bougies dans des petites pirogues en feuille de manguier.
Mais la coincidence est trop grande pour ne pas se méfier. La disparition du lézard, et l'apparition à la veille du mariage du Guru, d'un avatar de Nerrti, Mère des goules et des succubes, la Déesse aux cheveux d'or à la fois crainte et invoquée en secret.

"Ajeya. Ne la touche pas !"

Carry se sentir revivre par tant d'insouciance et de bonté déferlant dans cette communauté venue de l'Est. Elle ne s'en rendit pas tout à fait compte, mais tous les malheurs de la fin du monde s'étaient envolés de son esprit, elle n'en ressentait plus une once, tandis que la joie gagnait peu à peu son cœur et son esprit.

Tenant Lalita d'une main, elle se tourna ensuite vers al jeune Ajeya. Elle n'avait, jusqu'à présent, pas du tout identifié la particularité de la jeune fille et ce n'est qu'une fois la main de cette dernière si proche qu'elle remarqua enfin le long reptile enroulé autour du bras de la jeune fille.

Carry avait toujours eu une certaine réticence à approcher ces animaux, si bien que son premier réflexe fut d'émettre un mouvement de recule à la vue du serpent. Mouvement qui fut amplifier par une moue dégoûtée lorsque l'animal fit sortir sa langue dans un long SSsSsSssssSSSsSssSS en approchant de la tête de l'européenne.
Puis un second mouvement de tête après avoir entendu le vieux rabougri qui traînait à l'arrière du cortège. Elle le fixe juste un instant avec une expression désinvolte mais assurée de ses convictions en direction du vieillard. Après tout, elle s'était sûrement trompée en déclarant que plus c'est vieux plus c'est bon !

C'est donc avec une volonté de braver l'interdit nouvellement déclaré que Carry trouva le courage de s'approcher du reptile dans le but d'apporter à l'enfant la joie de la découverte qu'elle attendait. Tout était trop beau, le Guru et sa Promise, la bonté de Lalita, la joie et l'innocence de l'enfant, le soleil qui baignait tout ce petit groupe de ses rayons chaleureux pour laisser la magie ambiante être dissipée par un vieux péquenot.

Ils ne sont pas en or, dit-elle en rigolant de bon coeur, mais ils sont tout aussi beau et doux. Bien sûr que tu peux les toucher, et si tu veux, je te montrerai même comment coiffer les tiens de la même façon !

Elle pencha la tête pour permettre à ses longues tresses d'être à portée des mains d'Ajeya, tout en prenant soin de garder son corps à l'écart du serpent.

Faut pas déconner non plus !

En cet instant, la félicité l'emporte. Les doutes abandons et trahisons récentes ont disparu comme son sens de la vue. Dans son agitation, il farfouille dans ses poches.

Carry, femme du soleil aux cheveux de lumière, observe bien ma promise qui va louer l'astre.

Le guru se touche le front des deux pouces, les oreilles et le cou.
Rien à voir avec un quelconque rituel : Une forte odeur de parfum bon marché envahit sa sphère de proximité. Sa dernière charge, semble t'il. De quoi se sentir présentable pour cet instant privilégié.

Sadhu, laisse la petite découvrir. Nous nous purifierons ensuite de toutes façons.
Ouais, serrons les mains des impurs, on se les passera sous le robinet après de toutes façons.
Et on attaquera les sujets moins jouasses des trahisons dernières...

Concentrée sur ce qui se passait avec la petite Ajeya, donc toujours penchée dans sa direction. Carry switcha à nouveau son attentino sur Amiya suite à l'appel du Guru.
Sur l'ordre de ce dernier, la femme exécuta une sorte de danse/gymnastique étrange en prononçant des incantations que Carry ne comprenait pas du tout.
Néanmoins, une chose était sûr, c'est que la scène aurait été beaucoup plus intéressante si elle avait pu remplir ses poumons d'une substance ou une autre, et si elle avait pu avoir le cerveau dans les vapes.
Elle observa malgré tout la scène avec attention. Il ne fallait pas oublier qu'elle était avec eux, et que s'intéresser aux coutûmes des autres est tout de même très intéressant. Surtout que ceux-là avaient l'air d'en tenir une couche.

A la fin de l'exercice, elle frappa doucement des mains en guise d'admiration, c'est alors que la petite fille au serpent l'interrompit à sa grande surprise.
Elle tourna la tête dans sa direction, les yeux ronds et grand ouverts, avec une expression qui laissait facilement entendre ce qu'elle pensait : Non mais qu'est ce qu'elle fait celle-là !

Elle sourit malgré tout, en passant sa main dans les cheveux de la gamine avec sympathie.

C'est normal, moi j'ai trop mangé quand j'étais petite ! Alors maintenant, baaaah voilà le résultat ! lui répondit-elle avec amusement dans un nouveau sourire.

Lalita gère son aveuglement comme elle peut, pleurant des larmes comme jamais avant. Elle peste intérieurement de n'avoir pensé à leur confectionner des lunettes pour protéger leurs yeux des rayons solaires. Elle a gardé dans la main de Carry dans la sienne, et ne l'a toujours pas lâchée.

Essuyant ses paupières dans un de ses voiles, elle sent la fraîcheur de l'air les gagner. C'est à peine si elle voit Amiya faire ses prières, à peine si elle distingue les petites mains de Ajeya tâter la poitrine de Carry.

"Il va falloir se couvrir... Prenez vos couvertures pour vous protéger du froid et du soleil. Nous ne connaissons pas les virus et les bactéries qui existent ici, et ni les plantes qui poussent encore pour nous soigner... Il vaut mieux être prudent. Si Shiva a su métisser les hommes avec les lézards, qui sait ce qu'il a pu modeler comme micro-organisme !..."

Elle abandonne la main de Carry pour sortir des lainages et des couvertures rapiécées. Ce n'est pas très beau, mais au moins, c'est coloré. Elle en tend une à Ajeya. Puis distribue ce qu'elle a en fonction des tailles de chacun.

L'éclat de rire de l'enfant arracha un nouveau sourire au visage de Carry plein de spontanéité, à l'image de la réaction d'Ajeya. Finalement, tout ce petit groupe lui faisait le plus grand bien, cela faisait très longtemps que le visage de la blonde n'avait pas autant sourit, et elle commençait même à ressentir un peu de douleur aux joues !

Ce n'est pas grave Ajeya, tu es belle comme un ange !

Yama ?! C'est qui ? C'est quoi ?

Le Sadhu traine ses cadavres toujours à l'arrière et semble faire plus grise mine que d'habitude, peut être la cendre sacrée qui s'oxyde sur son visage, ou plus certainement devant la désinvolture et l'aisance de la créature blonde dans le groupe, et son influence sur l'enfant. Il marmonne dans sa barbe.

Ca ne sert à rien. Si c'est pas pour enfanter...
Et ca empeche de courrir vite.

D'accord Ajeya, j'y prêterai attention, surtout qu'ici, le paysage ressemble beaucoup à sa maison..

Mais dis-moi petite fille, pourquoi est-ce que c'est le Dieu des morts qui écrit la destinée ?! Après tout, lui normalement, il n'a qu'à décider quand ta destinée s'achève non ? Pas ce qui se passe dans ta vie...

Puis elle se tourne vers le vieillard à qui elle jette un regard noir.

Il parait que vous considérez les hommes supérieurs aux femmes non ? Alors pourquoi vous grommelez dans notre dos au lieu de parler directement ? C'est moi qui vous impressionne ?

Carry sourit lorsqu'elle récupère l'arme des mains de la fille au serpent. Tout un tas de questions lui traversent l'esprit, notamment sur le fait de savoir si Ajeya avait eu à l'utiliser elle-même ou non pour que les restes humains finissent accrochés dessus. Non, il était préférable d'oublier cela, du moins pour le moment...

Merci ma grande !

Puis elle met le petit paquet de nourriture sur son épaule avant de continuer.

Ha d'accord je vois, mais qu'est-ce qu'il se passe une fois que tu meurs à ta dernière incarnation ? Tu disparais ? Tu vas au paradis ? En enfer ?