A l'abri du jour.

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Bruits de grelots.

Voix perdue en échos qui font résonner une mantra comme si une foule avançait avec l'homme qui initie le chant.

Dans une posture d'appel au rassemblement, invoquant et louant le Destructeur, le Guru se déplace dans les tunnels espérant sans doute que des fidèles le rejoignent.

C'est alors qu'il repère une nouvelle forme devant lui. Achevant son verset, écartant les bras, tintant ses bracelets traditionnels de clochettes et grelots, ou moins traditionnels de capsules, languettes d'alu et écrous, il approche en souriant et en oscillant la tête avant de l'incliner poliment, mais sans excès. Visiblement, ce gars là était plus habitué à saluer des serviteurs que des hauts-placés.

Namaste, adorable Radha au visage en perle, qui éclaire ces lieux. Viens sentir ce Krishna dont l'odeur de jasmin allège la puanteur de ce trou.

ça c'est de la technique de drague.

Lord Shiva Shankara veille sur nous. Il a rouvert ses yeux et le cosmos renait, son troisième œil ayant rasé les sols et à présent, voit au travers du béton pour guider ses élus. Nous pousserons le char de l'Excellence sur lequel nous installerons son trône en peau de tigre. Nous poursuivrons sa danse de destruction, pour que Lord Shiva Nataraja puisse entamer celle de la création.

Ce faisant, sans prévenir, il lève la jambe gauche à l'horizontale, le talon tourné vers lui. Son index gauche pointant le pied. Son pied droit lui, solidement ancré dans le sol, la jambe fléchie comme si il écrasait quelque démon invisible, tandis que la main droite s'élève dans les airs et remue comme si il tenait un tambourin que le son de ses bracelets remplace de façon convenable.

Aussitôt ses mains changent tandis que les jambes restent fixes. La gauche s'écarte à la recherche, sans doute, d'une boule de feu invisible que ses doigts gigotants représentent pourtant de façon astucieuse tandis que la droite revient près de l'épaule pour former un abhaya-mudra très rigoureux, assurant la paix et la protection a qui le reçoit et qui le fait.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Amiya regarde l'homme qui s'approche d'elle. Elle l'a déjà vu, elle le reconnait. Visiblement, pas lui, sinon il cracherait sans doute sur elle pour avoir bafoué les valeurs de leur pays. Voilà qu'après un bref salut, trop bref pour elle quelque soit la condition, elle en est certaine, il déblatère tout un tas d'informations.

D'abord il lui parle de Shiva, puis se prend pour l'incarnation même de la divinité, initiant sa danse et sa posture. Alors que passent sur son visage une série d'expressions variées, surprise, appréhension, surprise à nouveau, amusement voire mépris, elle finit par secouer la tête. Ce qui, chez eux, signifie l'approbation.

Une courte approbation, puisqu'elle s’accroupit soudain, tend la jambe vers sa droite et sans prévenir, décrit un parfait arc de cercle. Danse ou technique de combat? La réponse est simple, Kalaripayat. Voilà que le grand parleur est allongé au sol, devant elle. Elle se redresse et monte sur lui, debout, heureusement qu'elle n'est pas bien lourde.

Le message est clair, si tu es Shiva, je serais Kali.

"Mon nom est Amiya."

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Ses yeux sont ronds comme des Bhindis alors qu'il git sur le dos. Sans doute aurait-il pu se défendre, si il avait été averti que la demoiselle était du genre à attraper ses bocaux en hauteur avec ses pieds.
Vu que l'occasion lui est offerte dans cette posture, il lui touche le pied deux rapides fois. Si c'est le respect qu'elle attendait, elle l'a.

Paix. J'ai de bonnes provisions dans mon manteau, qui ne sont peut être pas encore écrasées. Ce soir, c'est le Guru Shankar Singh qui fera la cuisine.

Il se dégage tant bien que mal et, souriant malgré tout, s'époussète embarrassé.

Je suis de Mumbaï, j'étais le co-directeur de la TSC lorsque Shiva a fermé ses yeux. Depuis, tu m'as probablement vu sur le "Viraat" ou je prêchais les nouvelles Vedas, pas vrai ?

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Un léger sourire, enfin ils se comprennent. Et enfin, il semble remettre son visage. Elle espère juste qu'il oubliera la situation où il l'a vu. Le "Viraat", c'était le nom du cargot pourri où ils ont voyagé, chacun de leur côté, sans échanger un mot. Ho, elle a du l'entendre faire du bruit, mais il y en avait tellement...elle n'y prêtait pas attention.

"Je suis originaire de New Dehli, mais je me suis installée dans un village proche de Kedarnath. Mon époux est...était le propriétaire de la plupart des hôtel de la région."

Ce qui, lorsqu'on connait un peu la dite région, est plutôt un gros morceau. Kedarnath est une ville située au nord, un des quatre lieux de pèlerinage de l'Inde car un temple proche de la cité recèle un linga de Shiva en glace, qui se régénère tout seul.
Inutile de préciser que dans une famille riche comme la sienne, les femmes n'ont pas besoin de travailler. Derrière tout homme de pouvoir se cache une femme parait-il...

Elle a un regard un peu étrange lorsqu'elle demande:

"Sri Shankar, après m'avoir offert le couvert, quel service demanderez-vous?"

Elle sait que depuis que tout a changé, rien n'est réellement gratuit...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Visiblement, le Guru ne remet pas plus que ça non, vu l'absence totale de gêne dans son sourire. Allez, peut être un peu, pour ne pas avoir compris rien qu'à l'accent qu'il n'avait pas affaire à la première souillon du coin. Mais qu'importe, trop heureux d'avoir enfin quelqu'un que le choc des cultures ne fera pas fuir, il reprend en oscillant la tête sans discontinuer.

Service ? Oui !

Il devait pas avoir vraiment écouté la question. Ou ne pas savoir quoi répondre à cela. Peut être n'a t'il pas l'habitude de l'offre, ce Guru qui semble préférer se servir, en demandant parfois si il peut, quand il est d'humeur.

Oh, belle région ! Je... N'étais pas très pratiquant avant. Le manque de temps. L'éveil m'est venu le jour même. Qui peut rester ignorant alors que le Dieu lui même marche avec nous... Marche sur nous ? Ma sensibilité au spirituel a alors pris sens, car je suivais mon dharma seul chez moi. Après j'ai eu le temps, sans ces chiffres, sans ces affaires, ce travail, j'ai pris le temps de contempler et d'offrir mon incarnation à Shiva lui même. Surtout quand les Brahmanes sont morts.

Il avait parlé de ce fâcheux incident avec une distance cosmique.

Installe-toi, et dis-moi ce qu'il te manque.
Et il s'assied, en lotus parfait, posant à ses côtés son aviron et une drôle d'ombrelle.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Soit il est le dernier homme généreux de la planète, soit il n'ose pas demander ce qu'il veut maintenant qu'il sait quel est son rang social, soit il n'a pas compris la question. Dans tous les cas, ça arrange Amiya, s'il réclame quoi ce soit, il sera trop tard.

Elle ne commente pas le fait qu'il soit nouveau pratiquant, l'Inde perd chaque jour un peu de ses traditions et cela ne l'étonne guère. Son époux n'avait pas le temps non plus et elle allait au temple sans lui, avec Abhilasha...

Une ombre passe sur sur son visage lorsqu'elle pense à sa fille et si son sourire est plus grand que quelques minutes plus tôt, ses yeux son terriblement triste, comme si le Gange les avait choisit pour nouvelle source et qu'il s'apprêtait à se déferler sur le monde. Un tsunami qui dévasterait tout, de quoi faire rêver Shiva lui-même. Ce qui lui manque vraiment, quel guru qu'il soit, il ne pourra jamais rien faire pour le lui rendre.

Alors elle pointe l'ombrelle du doigt. Ce n'est qu'un parapluie qui a perdu son habillage, mais les poètes y voient ce qu'ils veulent.

"Je peux regarder?"

Elle s'assoit ensuite face à lui, dans un bruit de bijoux et de perles. Ils tintent comme un jour de fête, tant ils sont nombreux. Rien qu'en posant le regard dessus, pour qui s'y connait un peu, on devine leur valeur. Des bijoux de mariage, drôle de parure quand le monde a été soufflé par la danse de Kali...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Le guru s'arrache à la contemplation de sa quincaillerie de luxe pour tendre l'ombrelle en souriant. Ce qu'il ne donnerait pour profiter un peu plus de cet apaisant spectacle...

Je l'ai trouvée en arpentant un bidonville. J'ignore quel temps il fera en surface mais j'imagine que dans tous les cas il faudra se protéger du soleil, de la pluie ou des gens vivant dessous, alors je prévois le coup.
Projettes-tu toi aussi de revoir le soleil et contempler l’œuvre du Destructeur ? Je peux te guider. Je cuisinerai aussi d'autres soirs.

Il attendait la réponse de sa nouvelle compagne avec impatience, remuant dans ses doigts un tout petit flacon de terre qui pendait autour de son cou.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Elle prend l'objet à deux mains, par dessous, comme le dieu reçoit son offrande. Un moment pour l'examiner, en apparence, pour se ressaisir intérieurement.

"Oui, je projette de le revoir. Ce que je cherche ne peut se trouver dans l'ombre."

Elle lève enfin les yeux pour le dévisager, s'attardant sur son visage pour la première fois. Elle voyage seule depuis des mois, sans atteindre son but, sans la moindre idée d'où elle est tant le monde a changé. Être seule sur les routes, quand on est une femme, n'est pas une partie de plaisir. Pas pour la femme en question en tout cas.

"D'accord, je te suivrais. Si j'ai mon mot à dire sur la route, sur ce que tu entreprends. Je ne serais pas ton adepte ni ta disciple. Je ne serais pas à tes ordres. A tes yeux, je serais ton égale."

A tes yeux, car il va de soit que pour son peuple et peut-être pour les autres, elle n'a pas le droit à cette place...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Le Guru ne se départit pas de son sourire. Toutefois il tend une main pour récupérer sa belle ombrelle.

Je ne réclame pas d'adeptes, et je ne donnerai pas d'ordres. Toutefois, Le Seigneur Shiva m'a confié une révélation que je ne peux compromettre. Tu comprends bien qu'on ne transige pas avec les cieux d'Indra et ceux qui le peuplent. Je te souhaite de suivre ton dharma dans les épreuves que tu devras affronter pour t'affranchir enfin de ce cycle de souffrances.
Mais ce soir tu peux manger mes deux dernières cailles au tandoor, et profiter du repos que j'offre aux miens. Mais seuls les disciples de mon école peuvent vivre en privilégiés dans la paix que nous répandrons.

Le voilà attristé, il range son pot de terre dans son col. Peut être n'a t'il pas saisi la nuance, d'à ses yeux. A t'on encore des yeux à soi quand Shiva vous regarde ? Il détourne les yeux, comme pour ne pas trop s'habituer à sa présence déjà.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Soit. Elle lui rend l'ombrelle, acquiesce doucement. Habituée, sans doute, à ce genre de réticence. Et à la solitude.

"Soit. Je ne suivrais pas ta route et poursuivrais la mienne. Je ne resterais pas non plus auprès de toi ce soir. La main qui donne et qui reprend est celle du serpent. Tu n'es pas plus qu'un homme orgueilleux qui prétend rependre la parole de Shiva, mais il ne s'agit que de ta propre interprétation."

Elle soupire, souriante.

"Des hommes comme toi, j'en ai trop croisé. Celui qui n'écoute pas les siens n'est pas mieux que l'aveugle qui tient une lampe, un piètre guide."

Elle se lève et s'incline, joignant les mains au niveau de sa poitrine. Un au revoir bien trop respectueux pour la situation.

"Dans ta quête, n'oublie pas les proverbes de notre pays. Ils ne sont pas paroles des Dieux, mais ils sont les paroles des sages."

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Son regard se fait plus sombre. Il se dresse d'un coup, même si sa voix reste calme. Aussi sec, il rejette l'arme qu'il voulait récupérer.

Je n'ai pas donné cette ombrelle. Tu as voulu la voir, et je t'ai dit pourquoi je l'ai prise. Pourquoi alors la donner ? Tu crois écouter mais tu n'entends pas. Tu crois me connaître aussi, mais tu ne m'as pas rencontré.
Je ne suis pas un brahmane, en effet. Je ne suis pas un sage érudit qui réfléchit jour et nuit aux Vedas. Mais je suis un Guru. Je n'interprète pas, je ne fais que répéter les messages même de Lord Shiva. C'est à chacun de laisser les mots que je répète cheminer et trouver leur écho propre, comme un Om dans l'espace et le temps. Mes oreilles sont à Lord Shiva. Ma bouche est la sienne, et j'ai offert mon incarnation au Seigneur. J'accompagnerai ceux et celles qui le suivront dans son oeuvre. Je ferai tout pour ces croyants, car je compte moins que lui, et moins que toi, si tant est que tu gardes la paix et l'accueil des Dieux dans ton cœur. Mais les impurs ne me sont rien, et je ne leur dois rien.

Si tu veux partir demain, je t'offre mon hospitalité cette nuit, car tu sembles être en peine, et que je garde un cœur. Même si tu étais une intouchable. Même si tu étais une étrangère. Mais nul profane ne recevra mon bhindi et ma compagnie au delà d'un sommeil, car le lendemain, le travail m'attend et ils ne peuvent m'encombrer.

Une colère le gagne peu à peu, mais il semble bien en garder le contrôle. Ni mépris ni agressivité pour l'instant, mais la blessure d'une critique injuste, ou d'un orgueil blessé, qui sait.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Elle ne fronce même pas les sourcils. Mais elle ne prend pas le parapluie non plus.

"Tu m'offres de te suivre, puis tu te retires. Une ombrelle est un objet, la parole un cadeau."

Elle sourit même de plus belle.

"Ne te fâches pas. Je crois en Shiva, comme toi. J'ai vu sa destruction mais je n'oublie pas qu'il est le créateur. Un autre monde est né et dans celui-ci, j'ai appris à ne plus suivre n'importe qui. Je ne serais pas disciple, car l'amitié casse lorsque l'égalité cesse. Je ne cherche pas de mentor, juste quelqu'un avec qui partager ce voyage."

Elle baisse les yeux pour qu'il n'ait pas l'impression d'être défié lorsqu'elle poursuit.

"Trop de guides perdent pieds lorsqu'on les suit, il leur faut tous quelqu'un pour les garder sur terre. Je te proposais d'être cette personne. Ton égale à tes yeux, une disciple comme une autre pour qui te croise. Une amie plus qu'une adepte. Tu ne veux pas, soit, tu es libre. Je te souhaite de trouver des gens qui croiront en toi, puisque ceux qui croient en ton dieu ne suffisent pas. Namaste Sri Shankar. Que ta route soit bonne."

Elle s'incline à nouveau puis se dirige vers ses affaires, posées plus loin. A côté de la valise marron, un grand sac plastique noir, fermé par de la corde. Elle lui tourne volontairement le dos, cachant le contenu de la malle qu'elle ouvre avec précaution.

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Il reste un long moment immobile et figé dans sa colère avant de se rassoir et de sortir le repas.

Je ne connais pas ce que tu dis. Je suis, ce que je ne suis pas pour Shiva, je ne le suis pour personne. Je n'ai rien du serpent. Je ne suis qu'un tigre, une énergie, qui n'avance que dans une seule direction.
J'ignore encore si il est bon ou mauvais que j'apprenne ta façon de faire. Un Guru qui sait mentir et le fait pour ce qu'il pense être le bien est un danger. Si j'accepte ta façon de faire dans la Volonté de Shiva que je guide, tu devras t'assurer que je ne devienne pas un impur. Si j'ai retiré ma parole, c'est justement parce que j'ignore les secrets d'un serpent, que mon dharma est pur, sans barbarie, et que je vis entier, vert comme Krishna. Comme dans mon assiette ou je ne peux tout accepter.

Mais sache deux choses, quoi que tu décides. Je n'ai jamais demandé à quiconque de croire en moi, mais de simplement suivre l’œuvre. Car le monde nouveau n'est pas encore sur nous. En cela tu te trompes. L'ancien, comme tu le vois, ne s'est pas achevé encore. Des armes, de la drogue, des haines, des poisons, de l'atome et tant de choses existent encore, et ont résisté à la Danse du Seigneur. On ne peut rien bâtir tant que ceci n'a pas été lavé à son tour.

Et sache aussi que l'ombrelle est à toi. Le monde est dangereux ici. Je me défendrai sans, et tu le sais. Prends là.

Les deux cailles sont posées dans un papier d'alu. Il a le regard tourné vers le sol pour ne pas voir sa reddition, si elle revient.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Elle soupire et il peut entendre la valise se fermer. Les cliquetis de bracelet annoncent sa venue, elle revient s'assoir devant lui, à nouveau. Sous ses yeux baissés, elle pose un plateau. Quelques fleurs dont les pétales commencent à flétrir, mais surtout deux bougies posées en son centre.

"Chaque jour durant de longues années, j'ai vu défiler les guru. De toute sorte. De tous les cultes. Beaucoup d'entre eux n'étaient des charlatans avides de pouvoir mais tous prétendaient détenir la parole de tel ou tel Dieu, dans le simple but d'arriver à leurs fins. Tu comprendras que je me méfie désormais.

Tu as raison, je ne te connais pas et je suis bien incapable de savoir si tu es un menteur ou non. Je ne sais pas quel chemin tu veux prendre, ni comment, ni pourquoi. Et quoi que tu me dises, je n'aurais pas confiance. Alors voilà ce que je te propose."

Elle craque une allumette.

"Les deux bougies restent allumées, je serais ton ombre, je marcherais dans tes pas et je veillerais à ce que tu ne t'écartes jamais de la voie des Dieux pour ton propre profit. Si je te dis que tu vas trop loin, tu devras t'arrêter et prendre du recul.

Une bougie s'éteint, je t'accompagnerais le temps de retrouver le soleil, peut-être le temps de retrouver ma route, puis je partirais de mon côté.

Les deux s'éteignent et je disparais ce soir. Laissons Shiva nous guider, nous avons la nuit devant nous."

Et elle allume les deux bougies...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Le Guru sourit. La solution semble lui convenir.

La nuit devant nous. J'accepterai la volonté de Shiva. Mange, elles sont fraiches. Je fais très attention à ce que l'on mange, c'est devenu un luxe imparable. J'ai vu... Des choses impures se faire. Des gens en consommer d'autres. Il faut faire attention.

Ceci dit, il déballe sans tarder ses autres fiertés. Samosas de légumes, halwa et nan. Combien de gens tués pour avoir un tel buffet ?

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Elle cligne à peine des yeux, devinant où il veut en venir. Mais ne dit rien sur le sujet, ce n'est sans doute pas le moment de débattre de l'alimentation de certains. Et elle est trop occupée à regarder les plats traditionnels de chez eux, depuis combien de temps n'en a-t-elle pas vu? Comment les a-t-il trouvé?

"As-tu de quoi réchauffer tout cela? J'ai quelques affaires de cuisine dans ma valise si tu veux."

Chassez le naturel, il revient au galop. Déjà, elle se lève, habituée depuis si longtemps à servir sa famille qu'elle en oublie qu'elle est l'invitée...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Il semble partager sa surprise. Du matériel de cusine ?

Je... non... je les mangeais ce matin encore chaudes. Elles sont mortes la nuit dernière. Elles ne mangeaient plus. Et le yaourt allait se perdre même si il m'en reste un peut. La fraicheur des souterrains limite les dégats. Je les ai cuites sur le plateau à prère, dans l'alu. Un peu trop. Mais vaut mieux. Tu connaissais des gens à bord ?

Non, visiblement il ne la remet pas.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Et c'est tant mieux pour Amipriya. Elle part chercher sa valise, faisant dangereusement vaciller les flammes des bougies, mais sans les éteindre. Elle se met à genoux et l'ouvre, de façon à ce qu'il n'en voit pas le contenu. De la partie droite, sur le devant apparemment, elle sort une grosse boite qui doit bien prendre le quart de la place à elle seule.

De cette boite, elle déballe à son tour un chauffe plat, un kadai qu'elle pose dessus, 4 bols, 2 verres et des couverts. Tout semble venir du même service et en bon état, bien qu'il faille un véritable tétris pour tout faire rentrer dans le carton. Enfin, de sous ses vêtements, partie gauche, elle tire deux plateaux.

Elle allume la bougie du chauffe plat, installe sa cuisine et mets la table tout en répondant, l'air un peu absente.

"Non, je voyage seule depuis le jour qui a suivi. Je n'avais jamais cherché la compagnie auparavant, le monde est devenu bien trop intéressé. Et toi?"

le chauffe plat qu'il est joli!:

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Un air de concentration peut se lire sur son visage. Pas simple.

Aucun proche n'a survécu à ma connaissance... Mais je n'en n'avais pas beaucoup. Sur le navire, j'ai parlé à tout le monde, ou presque. Du capitaine à quelques gamins des cales. Je passais beaucoup de temps à parler aux gens, je pense que j'en avais besoin. Eux aussi, pour d'autres raisons sans doute.

Il réfléchit un instant.

Je ne pense pas supporter la solitude, j'ai besoin de ces gens. Autant pour me porter, me limiter, que me donner une raison. Je ne peux pas supporter de contempler les défauts du monde. Je pense... Que le Destructeur devait penser la même chose. Le matériel nous corrompt. Nous voici purifiés.

Il sonde et scrute sa compagne du soir du regard, apportant les cailles écrasées par sa chute et les samosa miraculeusement préservées.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

La compagne du soir en question finit d'installer les bols sur les plateaux, les couverts alignées à côté, deux cuillères, grande et petite, et une fourchette.

"La solitude ne me dérange pas. Mon époux travaillait trop, il n'était jamais là, et j'ai appri à m'y faire lorsqu'Abhilasha a commencé à aller à l'école."

Elle se fige. C'est la première fois qu'elle prononce le nom de sa fille à voix haute depuis qu'elle s'en est séparé. Il lui faut bien quelques secondes pour sourire à nouveau et afficher un air conventionnel, on ne pleure pas devant autrui, sauf pendant les rites funéraires.

"Le matériel corrompt mais je suis contente d'en avoir emporté un peu avec moi, particulièrement aujourd'hui."

Ajoute-t-elle pour changer de sujet, celui-ci bien trop sensible pour elle.

"Comment penses-tu connaitre les intentions de Shiva? Fais-tu parti des élus à qui il daigne parler, ou interprètes-tu les signes?"

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Son attention se focalise quand elle cite un nom. Mais il ne relève pas. Pas pour l'instant.

Les intentions de Shiva sont écrites. Il a toujours ainsi agit et fera de même encore. Mais le monde évolue en permanence alors il faut retraduire. De nouvelles Vedas seront sans doute nécessaires. Une nouvelle voie, sans doute sans Brahmanes. Car nous entrons dans un cycle de guerre qui durera. Ce seront nos castes qui dirigeront. Les Découvertes doivent être faites.
Nous devons observer, le cosmos qui nous entoure, et celui que nous abritons. Constater les liens étroits. Les radiations perturbent l'onde de nos électrons ? Qu'en est-il alors de l'orbite des astres ?

Il se saisit de sa main, ô stupeur, et y observe lignes, bijoux, marques et cicatrices. Il la malaxe vaguement d'un pouce, qu'une adepte de Shakti peut sans peine identifier. Shankar est du genre tantrique.

Shiva est immuable dans son changement. Mais dans ce monde, nous allons devoir réapprendre à le trouver, à le comprendre et l'entendre. Il ne me parle pour l'heure que dans un langage que je suis seul à comprendre, et difficilement. Je dois le réapprendre, et apprendre à parler à l'homme pour en restituer la pureté.

Il relâche la main, visiblement inquiet. Les Chakras d'Amiya sont dangereusement en désordre, et c'est perceptible. La voilà plus proche de Kali qu'elle ne pourrait le penser.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Les chakras d'Amiya ont dû se fermer d'un coup quand il a pris sa main, lorsqu'elle s'est tendue comme un arc, sur la défensive. Le contact avec un étranger, ce qu'il est encore malgré tout ce qui les rapproche, est proscrit lorsqu'on respecte les traditions. En dehors de la famille et du mariage, un homme et une femme ne se touchent pas, c'est toujours mal vu en dehors des grandes villes et pour la plupart des indiens.

"Admettons, quel sera alors le rôle de ceux qui te suivront? Te répéter? Agir?"

Elle cache ses mains sous son sari, ironiquement gênée. Pourtant, elle devrait avoir s'être habituée à sentir la peau d'un inconnu...

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Il sourit. Toucher, voilà longtemps qu'il avait brisé ce tabou. S'en souvenir l'attendrit presque.

Ils devront m'apporter leur point de vue. N'étant pas Brahmane, j'écouterai les autres comme un général ses soldats. Comme des pairs, n'ayant pas les mêmes responsabilités, mais qui en ont bavé avec moi sur le terrain, le vrai. Gouté la poussière, et versé le sang. Mais de façon spirituelle. La dessus, nous serons tous égaux, nul n'étant un saint avant la Destruction.
Nous échangerons, nous célèbrerons, et nous découvrirons. Nous nous soutiendrons pour aller le plus loin dans notre exploration des nouveaux Savoir.

Souhaites-tu méditer avec moi ? Tu ne sembles pas vouloir être touchée, alors je ne remettrai pas d'ordre en toi si tu ne le souhaites pas.

Audacieux, mais tachant de rester respectueux on dirait. Il prend un samosa, le porte comme un toast et l'engloutit.

Messages : 1989 Date d'inscription : 27/01/2016

Elle lève un sourcil. Pour elle, elle est tout à fait en ordre et c'est lui qui est un peu dérangé. Mais pour l'instant, elle se garde de le lui faire remarquer et ressort une main pour prendre un samosa à son tour. Croquer dedans lui rappelle tant de chose positives, de belles journées, des repas avec des gens qu'elle appréciait. Elle le savoure en silence jusqu'à ce qu'il n'en reste rien. Elle va même jusqu'à suçoter le bout de ses doigts.

"Méditer, oui, après si tu veux."

Elle prend sa propre fourchette et une cuillère pour détacher la viande de l'os, les cailles devant être assez mijotées. Elle le sert ensuite gracieusement, lui donnant bien plus de la moitié et prenant le reste. Sens du sacrifice ou manque d’appétit?

"Que veux-tu dire par verser le sang? Penses-tu avoir le droit de donner la mort?"

Messages : 1417 Date d'inscription : 27/01/2016

Son regard se rallume devant ses propres mets réchauffés. On dirait un gosse. Il a le même geste, léchant le cumin de ses pouces.

Oh, c'était une image. Je parlais de gens qui me sont proches et qui vivent ce périple avec moi, avec leurs yeux, mais à mes côtés.
Mais j'ai déjà ôté la vie, oui. Sans verser le sang. Certains se sont offert en sacrifice. Je n'ai pas encore tué de gens voulant vivre. Mais je n'exclue pas de le faire au besoin. J'ignore si j'en ai le droit. Nous verrons alors ce qu'en dit Shiva. Je me purifierai si il le demande, je jeûnerai ou je me livrerai aux flammes si il le faut.

Un rot lui échappe, et ça le fait marrer comme un gosse, bien qu'il s'excuse en oscillant la tête.

Je ne mettrai pas en péril le groupe par ma passivité en tout cas.

Ce disant, il reprend son sérieux.
Un regard grave vers les bougies.
Il tend la moitié de son un peu plus de la moitié à Amiya.

Qu'en penses-tu ?

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