Elle n'a pas le temps de tout comprendre qu'il est déjà parti. Abasourdie, elle le regarde s'éloigner, ne sachant plus si elle doit se dépêcher ou non. Alors elle marche, sans chercher d'objet miracle, mais en réfléchissant pour la première fois dans le calme. Elle pense au monde pourri. Aux gens qui meurent, aux photos qui rappellent de vieux souvenirs et soulèvent trop de questions. Aux gens qu'elle croise, à leurs discours, leur personnalité de survivant. Au climat, aux saisons extrêmes, aux terres arides, aux forêts et à la faune, au grain de sable et aux montagnes de verres pilés...
Ce n'est décidément pas un monde pour un nouveau né. Vraiment pas.
Mais elle pense désormais à la dernière fois où elle a vraiment eu le choix. Elle avait quoi, huit ans? Ensuite, toutes ses décisions n'étaient plus qu'une expression sans valeur de sa personnalité. Du blabla. Elle n'avait jamais le dernier mot ou n'était jamais sure de l'avoir. Alors ce qu'elle pensait, finalement, finissait enterré sous la volonté des hommes qui eux, avaient le droit de décider. Il y avait bien de rares cas de rébellion, comme les cours de danse que lui refusait son premier mari et qu'elle prenait quand même, mais ce n'était que des actions cachées. Quand la supercherie était découverte, elle s'arrêtait simplement, en priant pour que les conséquences ne soient pas trop lourdes à porter. Il n'y a que lorsqu'elle était seule, vraiment seule, qu'elle avait pu choisir. Et c'était toujours dans l'urgence, pour des choses immédiate. L'avenir...elle n'y pensait plus depuis longtemps.
Et maintenant? Était-elle, aujourd'hui, encore capable de choisir pour demain? Pouvait-elle prendre une bonne décision sur le long terme? Être approuvée et soutenue? Était-ce une façon de la retourner, en lui donnant un faux choix à faire? Elle n'en savait rien. Et pour le coup, elle n'osait plus faire de choix, sans parachute pour la rattraper.
Enfin, elle lève les yeux et regarde autour d'elle. Ses pas l'ont ramené sur le pédalo. Elle n'a rien trouvé de plus. Alors elle s'installe, prête à rentrer au camp. Il ne manque plus que Shankar.