L67 - Sur le Sentier des Égarés.

Le Guru hausse les sourcils tandis qu'un Rakshasa en forme de Vasco les reçoit.

Un peu lent à percuter l'humour de la situation, Shankar finit par laisser sa bouille fraichement balafrée se fendre à nouveau d'un large sourire et d'un rire gamin et généreux, que beaucoup sans doute trouveront cabotiné ou forcé. Mais c'est comme ça avec Shankar, tout ou rien, trop ou trop peu.

Namaskar sahib.
Ce Guru a l'honneur d'être Shri Shankar Singh, et voici Shrimati Amiya Amilhthini Singh.

Vous avez des colliers de fleurs ?

Le Guru partage ce sursaut en s'entendant privé de cuisine. Pourquoi lui interdire la meilleure pièce de la chaumière ?

Son regard saisi comme un steak sur une tôle brulante croise celui fatigué mais visiblement tout aussi étonné de son épouse.

Qu'importe, il s'agit de ne pas froisser l'hospitalité qu'on leur offre. Il laisse alors son barda de vivres et d'armes tomber lourdement au sol dans un mélange de bruits de métal, de bois et de plastique, gardant toutefois son tomahawk à moitié dans le pantalon comme un tube de crème solaire.

C'est entendu Sahib. Je prendrai avec alcool, ce cocktail.


Il sourit à son épouse. C'est vrai ça. Ils n'avaient pas vraiment eu de voyage de noces... Un regard presque d'excuse pour le reste de la troupe qu'il délaisse ici et voici qu'il se saisit de la main d'Amiya.

Tapis dans l'ombre, dans entrebâillement d'une porte pas tout à fait droite, Ricky guettait l"arrivé des indiens.
Voila leur gourou tout d'abord. Ce fier à bras se laissait emporter par le discours du briganti, renommé pour l'occasion.

A côté, sa femme. Elle paraissait usée, las. Il était temps qu'elle se repose.

"Ola chers amis d'outre-monde, vous avez le bonjours de l'occident! Laissez vous faire et appreciez..."

Ricky avait mis un collier de fleurs. Il avait troqué sa tenue provocante pour un long manteau noir.

Il montra aux deux tourteaux une table de bois. Elle aurait fait palir de jalousie un employé IKEA. Elle était placée sur le sable. Entre l'eau et bâtiment. Deux chaises sculptés dans le bois se trouvait derrière, face à la mer.

Il en tira un chaise. Puis tendit la main vers Amaiya, invitant cette dernière a s'assoir. Il posa sur la table un verre. Un petit cocktail improvisé avec les moyens du bord.

" Madame, installez vous, mettez les pieds sur la table, et profitez de la vue et l'instant..."

Puis regardant le gourou.

"Installe toi aussi, grand manitous. Et laisse toi guider. Aujourd hui Rocky O'Rorshaw, moi, vais vous divertir..."

Il déposa un autre verre sur la table, a la place qu'il lui avait réservé.

Laissez vous transporter. On vous apporte pitance et rafraîchissement.."

Puis Ricky, non pardon Rocky tourna les talons et se dirigea dans un petit local. Il s'y engouffra dans un coup de vent.

Qu'allait il leur réserver?

Lalita est restée en arrière. Bien heureuse de la tournure que prend ce campement d'été. De l'espace, un ciel dégagé, une brise, de l'eau bien sage, des recoins paisibles...
Les Mariés s'éloignent et sont même pris en charge par... Oh... Serait-ce Ricky ? Elle en profite pour rejoindre Valentyn O'Robber et son calepin.

Elle admire le collier de fleurs un instant avant de lui adresser la parole.

"Lily O'Gaymz"

Un salut à l'indienne.

"Je suis la Nanny que tu avais demandé, et je sais aussi réparer les toitures et d'autres dépannages... Tu me diras par quoi commencer..."

Ricky revint quelques instants après, avec une feuille de plante de taille respectable. Il avait mis un linge blanc autour du bras, comme le font les serveurs de ces restaurants gastronomiques occidentaux.
Il s'approchait avec un air très solennel du couple d'indien. Il se tenait droit comme un I, imperturbable.

Puis il se planta devant la table des jeunes tourteaux. Puis, leur adressant un large et magnifique sourire, Ricky- Rocky commença:

"Madame, Monsieur!

La maison Mojo est heureuse de vous accueillir dans son cadre cosy et douillet, en plein cœur des calanques de Lovenest. Si j'en crois les réservations, vous avez opté pour la formule Confort +. Un seul mot d'ordre, détendez vous - et regardant la jeune femme, lui adressant son plus beau sourire - Surtout vous Madame! Si je peux me permettre vous avez une petite mine! Laissez le personnel du motel pourvoir à tous vos désirs, à toutes vos folies, et contemplez le spectacle qu'il vous a reservé!

Mais tout d'abord, laissez moi prendre votre commende! Au menue ce soir, une fricassé de tout un tas de bestioles retrouvées ici même, entre deux rochers ou sous un léger banc de sable

Puis, s'approchant de la table mettant une main devant sa bouche et chuchotant, comme si ce qu'il disait ne devait être entendu que des deux orientaux

Mais personnellement je vous le déconseille, On a retrouvé tout un tas de de viande avarié à proximité... -Il fit une mine de degout en prononçant ces quelques mots

Et reprenant sa posture initiale, droit et fier " Autrement je peux vous proposer une grillade de rats, il y en avait plein dans les égouts et, ma fois, il ne sont pas si mauvais

Et de nouveau se penchant pour se faire plus discret "Mais je vous les déconseilles aussi, ils donnent des diarrhées carrabinées... Vous auriez dû voir Notre Maitre des Lieux, le Royal Valentyn il y a quelques lunes de cela...
Il hocha de la tête, un sourire narquois en coin, et faisant un clin d'oeil complice à ces deux interlocuteurs.
Pour finir, il nous reste un assortiment de tout un tas de baies, plantes et autres fuits, que la charmante Lily O'Gaymz et moi même avons cueillit ce matin même. Le choix numéro 1 de la maison Modjo!"

Puis Ricky Pris la feuille comme un serveur prend son calepin et attendit que les deux amoureux fassent leur choix. Ilavait repris son air faussement solennel et hautain.

A nouveau, Amiya tente de sourire. Mais l'évocation de la douce Carry est comme un coup de poignard et l'exercice est des plus difficile. Elle se penche vers Valentyn et murmure alors, après un coup d'oeil discret à son époux.

"Ce n'est rien, tout est parfait. Vos rôles vous vont à ravir. Profitez, faites profiter les miens, ils doivent aussi faire leur deuil, à leur manière."

Sa langue n'est pas perdue et voilà leur hôte rassuré. Elle se replace sur sa chaise, prend le verre posé devant elle et y trempe le bout des lèvres. Hauts les coeurs, la vie continue. Pour certains...

Lil'O'Gaymz, comme on l'appelle dans toutes les crèches où elle a sévi, s'enfuit déjà vers le Mojo Motel pour préparer les chambres des Oms.

Si certains l'ont suivi, elle leur dira ces quelques mots tout bas.

"C'est la lune de miel du Guru et de Amiya. Nous nous partagerons les tâches en cuisine et aux lessives... Faisons en sorte qu'ils n'aient rien à faire à part repeupler la Nouvelle Inde."

"Nous pourrions monter deux tentes dehors pour y ranger nos affaires et pour y dormir au plus près du rivage... Nous allons bien rester 5 ou 6 lunes ici, je pense... "

"Si vous avez des suggestions pour améliorer le séjour des mariés, n'hésitez pas à les proposer Valentyn et à Rocky."

Puis elle se tourne vers l'intérieur du Mojo Motel, et sourit. Elle n'a jamais rien vu de pareil. Une bâtisse pleine de cachet et de prises au vent. Le sentiment de claustrophobie sera difficile à ressentir ici. Pas besoin d'ouvrir grand les fenêtres. L'air y circule librement, ce sera bon pour tout le monde.

Allez, fini de contempler. Il est temps de s'y mettre...

Le Guru masque la gêne passagère par un reniflement sonore avant de reprendre avec un sourire commandé.

Ce sera le trois pour moi aussi. Vous avez... De quoi relever les... Choses ? C'est comme ça que je conçois le gout des choses. Vous avez un cuisinier indien ?
J'aimerai que vous en recrutiez-un.

Et j'aimerai des lunettes de soleil. Celles de la boutique. J'ai vu sur votre site.

Le rire se fait plus naturel. Putain, ça fait du bien de jouer les bourges.

"Excellent choix, vous m'en direz des nouvelles... Notre charmante Lil, impératrice des Indes Occidentales, vous trouvera assurément que quoi épicer vote plat. Vous avez la parole de Rocky O'Rorshaw" Il adressa un nouveau clin d'oeil, toujours malicieux, toujours charmeur, mais avec plein d'humour

Puis il vit l'Italien faire son numero, la Saddam ou la Montagné...

Ricky attend que le Dandy à lunettes regagne la cuisine. Toujours droit comme un I, le sourcil haut et l'allure hautaine. Puis quand ce dernier disparu, Voila que Ricky Imself se tourna vers les cuisines.

Il glissa sa feuille sous le bras, puis tapa deux fois vigoureusement dans ses mains.

"ET DEUX ASSORTIMENTS DE LEGUMES IMPERIAUX SUR LEURS LITS DE BAIES DE BORS DE MERS, DEUX!!!"

Puis faisant de nouveau faces aux convives.

"Je suis par contre navré mais, pour la carte des vins, nous avons eu un souci de livraison. Notre commis aux vivre a oublié de mettre l'adresse de livraison... Ricky leva les bras au ciel et soupira. Ah mais comment voulez vous qu l'on garde nos étoiles au Michelin cette année!!
Je suis par contre en mesure de vous proposer notre carte des eaux. Nous avons de l'eau de source de nuage, directement récupéré à la source, par nos récupérateurs d'eau de pluie. Elles ont un léger arrière goût mais, on s'y habitue!
Sinon je peux vous proposer l'aqua fantaisie. Trouvez ça et la, au cours de nos pérégrinations, dans des gourdes, des abreuvoirs, sur des corps... La surprise à chaque ouverture de bouchon! Sera elle croupie? Proviendra elle d'urine diluée?  OU sera elle tout à fait potable? Le kinder surprise du nouveau monde!! -Ricky accompagna chaque parole de geste appropriés, mimant le dégoût et la puanteur à l’évocation de l'eau croupie; faisant la grimace en tirant la langue, toujours de dégoûts lorsqu'il aborde le thème de l'urine, et retrouvant une expression de bonheur lorsqu'il supposa qu'elle puisse être bonne et potable.
Enfin, il nous reste l'eau de mer, salée évidemment. Infecte si voulez mon avis, mais utile si vous avez une coupure, elle vous désinfectera!"

Puis il se tourna vers les cuisines "BON ALORS, CA VIENT CE REPAS?? NOS HOTES S'IMPATIENTE!!!

Et faisant la moue de la tête: Voila ce que c'est que de recruter du migrant italien, non seulement ca vole la place au gens bien de chez nous, mais en plus ça fait du mauvais travail, du travail d'Italien!"

"Sinon, pour votre commande d'eau? Ce sera?"

Le Guru sourit.

De quelle année est votre eau de source ? L'an dernier était particulièrement ensoleillé, mais ce genre de crus vieillit mal, autant en profiter.

Quels genre de services peut-on trouver dans votre établissement ? Mon épouse et moi voulons profiter de cet endroit loin du wifi pour nous essayer à de nouvelles activités.

Shankar pose la main sur celle de son épouse et glisse.

As-tu éteint ta radio ? Je n'ai pas envie que nos collaborateurs nous dérangent par-ce que les cours de la bourse de Delhi sursautent. Ils peuvent gérer sans nous, ce n'est pas la fin du monde.

Amiya oscille doucement de la tête.

"La radio est éteinte, oui. Je n'attends qu'un appel..."

Et puis, elle se force un peu:

"De mon assistante. Quelques minutes seulement, pour échanger quelques nouvelles et me tenir au courant des affaires en cours."

Finalement, un certain naturel pointe le bout de son nez. La maman parfaite serait-elle une sale gosse de riche?

"Nous prendrons une chambre avec vue sur l'île, orientée vers l'est."

"Le petit déjeuner doit être servi devant la porte de notre chambre à 8h15. Nous prenons chacun du lassi et quelques fruits de saison mais attention, celui de mon époux doit être plus épicé, forcez un peu sur le gingembre, et le mien plus sucré."

"A 8h35, j'ai l'habitude de me purifier. Privatisez la plage pour les femmes à cette heure là et jusqu'à 10h puisque je poursuis ma matinée avec du yoga."

"Nous déjeunons à 13h15 et dînons à 19h45. Si les repas ne sont pas servis à l'heure, hélas, mon époux a ses humeurs et je ne répondrais plus de rien."

Elle rit un peu, comme si c'était une blague...

"Mais à 19h40, avant le repas, j'aimerais un bilan de vos activités. Voyez vous, il faut que tout soit propre, du sol jusqu'au linge, que tout soit rangé et impeccable pour que je puisse me détendre, manger et dormir tranquille. Si quelque chose n'est pas fait convenablement...cela me tracasse et je fais d'horribles cauchemars. Je deviens exécrable et je risquerais de rendre fous vos autres clients. Vous n'aimeriez pas que vôtre hôtel perde ses étoiles pour si peu, n'est-ce pas?"

Un sourire en coin, un regard de braise au serveur. Elle s'y croit.

En voila de la répartie!!! La jeune mariée se laissait enfin aller! La ça va être à Ricky de ne pas se laisser faire

En voila de la répartie!!! La jeune mariée se laissait enfin aller! Là ça va être à Ricky de ne pas se laisser faire.

"Du gingembre dans la tisane de Monsieur? Je ne pensais pas qu'il en avait besoin. Mais soit! Madame doit être comblée. Nous mettrons la dose de gingembre!"

Ricky gardait son faux air hautain.

" Nous privatiserons la plage des femmes et travestis, soyez sans crainte!"

"Et oui, le petit déjeuner est compris dans le service. Il vous sera servi, malheureusement à quelle heure, je ne sais pas. Notre personnel à bas cout ne vaut pas grand chose..."

Ricky se retourna, toujours droit comme un I, vers la sortie.

"Je vous laisse manger en paix. Et vive les mariés!"

Il s'en alla d'un pas lent. Il croisa Radja qui venait de faire une entrée remarquée.

" Le personnel à bas cout ne vaut rien.. "

Amiya, elle, se tourne vers Shankar et lui dit avec le plus grand sérieux.

"Les employers sont sous payés. Ils manquent de coeur à la tâche. C'est terrible dans un hôtel, la faillite les guette. Il faut vraiment qu'on leur apprenne à manager leurs équipes..."

Et elle observe Radjalie qui vient de pointer son nez et qui voudrait surement s'esquiver...

"Namaste, jolie demoiselle. Venez vous chanter pour nous? J'adore la musique et celle de chez nous me manque tellement..."

Il ne se retourne pas, les yeux pétillants fixés sur son épouse, le sourire frémissant sous sa moustache.

Les deux roses rouges les plus larges, je vous prie ! Lance-t'il à Ricky qui s'éloigne, trouvant visiblement une satisfaisante ironie à commander des roses imaginaires aux vendeurs blancs qui viennent dans tous les restos et sur toutes les plages.

Soni, tout dépend de la concurrence. C'est ça le business. Tu peux vendre de tout, au prix que tu veux. Tout dépend d'abord du prix que veulent mettre les gens. La est la clef. Il y a la matière première, et il y a le sourire. Et franchement, on en a du sourire ici, tu ne trouves pas ?

Ensuite, il y a la concurrence. Mais ça... ça va, ça vient, parfois ça part, ou ça s'achète n'est-ce pas ?